la caféine a un effet démontré sur les céphalées. Elle est particulièrement efficace, dans certains types de céphalées, en association aux médications classiques comme l'aspirine, le paracétamol ou l'ibuprofène
L’adjonction de caféine à des préparations analgésiques remonte à 1875, date à laquelle la caféine a été isolée et caractérisée. Cependant, il faut attendre les années 50 pour que les premiers essais cliniques soient lancés.L’analyse de 30 études cliniques incluant environ 10 000 patients touchés par divers types de douleur, dont les céphalées, a montré que la combinaison de la caféine avec des analgésiques courants avait un coefficient anti douleur de 1,41. Ce qui signifie qu’il faudrait 41 % d’aspirine ou de paracétamol de plus pour atteindre le même niveau analgésique que la médication combinée
Les propriétés anti-nociceptives de la caféine
Différents modèles animaux ont montré que la caféine exerçait des effets anti-nociceptifs qui dépendent du type de stimulus douloureux. Deux études humaines, incluantd’une part, 301 patients, et d’autre part, 53 sujets souffrant de céphalées de tension, ont montré que la caféine soulageait significativement la douleur d’une manière dose-dépendante . Les effets anti-nociceptifs de la caféine sont étroitement liés à son antagonisme au niveau desrécepteurs de l’adénosine qui induit une inhibitionneuronale. L’anti-nociception résulte de l’augmentation de la conductance potassique et de l’inhibition des terminaisons des nerfs sensoriels qui limite la libération de substance P et de glutamate, ce qui modifie la perception de la douleur
Efficacité de la caféine dans les céphalées de tension
Les céphalées de tension, caractérisées par l’InternationalHeadache Society se produisent en général à une fréquence maximale de 15 par mois et répondent aux médications courantes disponibles sans ordonnance. Dans ce type de céphalées, la caféine a des propriétés analgésiques par elle-même et potentialise les propriétés analgésiques des médicaments antidouleur comme le paracétamol, l’aspirine et l’ibuprofène. Des doses de caféine variant de 64 à 200 mg ont été associées au paracétamol (500-1 000 mg), à l’aspirine (500-1 000 mg) ou à l’ibuprofène (400 mg). L’efficacité de la caféine seule est similaire à celle des médications classiques seules. Par contre, la combinaison d’aspirine, de paracétamol ou d’ibuprofène avec la caféine s’avère significativement plus efficace que ces antalgiques utilisés seuls. Ainsi, la caféine augmente l’efficacité des antalgiques de 76 % pour la diminution de l’intensité douloureuse et 97 % pour la cessation complète de la douleur. Le pic et la durée de l’analgésie sont eux améliorés de 63 à 85 % par l’adjonction de caféine. De plus, l’effet analgésique de la caféine est indépendant de la consommation de caféine d’origine alimentaire par le patient dans les 4 heures qui précèdent la médication
Le traitement de la migraine
La migraine est un problème récurrent qui produit un large spectre de douleurs et des symptômes invalidants. Au total, 80-95 % des crises de migraine sont associées à une douleur sévère et d’autres symptômes nécessitant parfois l’alitement (pour revue, voir 9).La plupart des victimes de migraine (65 % des hommes et 57 % des femmes) calment leurs douleurs avec des antalgiques courants ne nécessitant pas d’ordonnance, mais il est difficile d’évaluer l’efficacité de ces traitements dans les crises migraineuses sévères.Une série de trois études randomisées a montré que la combinaison de paracétamol (500mg), d’aspirine (500 mg) et de caféine (65 mg) avait une certaine efficacité dans le traitement de la migraine .Toutefois, ces études ont seulement analysé l’effet antalgique de la combinaison paracétamol/aspirine/caféine sur les symptômes de la migraine mais ne permettent pas de spécifier la potentielle valeur ajoutée de la caféine aux médications antalgiques dans le traitement de la migraine. Récemment, Geyde a proposé d’utiliser une combinaison de produits qui agiraient sur les régulations physiologiques perturbées au cours des migraines. Ce sont en particulier (i) la baisse des teneurs sanguines en sérotonine, (ii) la dilatation vasculaire, (iii) la réponse inflammatoire au niveau des structures intracrâniennes et (iv) dans certains cas, la libération accrue d’un agent vasodilatateur, l’histamine. Ainsi, il suggère de combiner diverses substances incluant 64mg de caféine pour contrecarrer l’ensemble de ces effets . Cetraitement a été testé sur 12 sujets dont 9 ont vu leurs symptômes migraineux supprimés
Céphalées liées au sevrage en caféine
Dans un sous-groupe d’individus sensibles, le sevrage en caféine induit des céphalées. Les symptômes du sevrage en caféine disparaissent rapidement après l’absorption de café ou de caféine. Cet effet est décrit depuis plus de 50 ans. Dans ce type de céphalées, on observe une relation entre le sevrage en caféine, le développement des céphalées et les modifications du débit sanguin cérébral.Celui-ci est augmenté pendant les céphalées et significativement diminué dans les 30 minutes après la prise de caféine. Il retourne aux valeurs basales au bout de 2 heures. Par contre, les effets vasoconstricteurs centraux de la caféine ne semblent pas clairement impliqués dans les autres céphalées et les migraines.En effet, les céphalées de tension ne sont pas accompagnées de changements vasculaires. Dans les migraines,il n’y a pas de consensus sur les valeurs de débit sanguin cérébral. Les études font plutôt état de baisses ou d’absence de changement mais plus rarement d’augmentation
Conclusion
La caféine est efficace dans les céphalées dues au sevrage en caféine et pourrait refléter les propriétés vasoconstrictrices de la méthylxanthine. Dans les céphalées de tension, la caféine exerce un effet analgésique adjuvant aux médications classiques comme l’aspirine, le paracétamol ou l’ibuprofène. Dans la migraine, l’effet de la caféine seule ou la comparaison de combinaisons de substances anti douleur avec ou sans caféine n’ont pas été étudiés. Ces études seraient importantes sur le plan clinique parce que la plupart des médications approuvées dans le traitement de la migraine sont très onéreuses et ont des effets secondaires et des contre-indications non négligeables .
Astrid NehligDirecteur de recherche, INSERM, Strasbourg
Dim 25 Oct - 19:16