Qu'il s'agisse de clients ou de collaborateurs, de collègues ou de fournisseurs, convaincre son interlocuteur est un défi que beaucoup de managers doivent relever tous les jours. Mais imposer ses idées, si pertinentes soient-elles, est rarement le meilleur moyen de les faire partager.
» Préparer une stratégie et non un argumentaire
La logique de l'argumentaire, sorte de rouleau compresseur rhétorique destiné à faire valoir nos arguments, est centrée sur nous. Elle oublie l'autre à qui elle veut simplement imposer une idée et un schéma. Une stratégie, au contraire, se définit en fonction de l'autre et de son écoute. Pour être efficace, il faut prévoir une gradation de ses objectifs. Si un argumentaire est construit autour d'un seul niveau d'objectif, qu'il faut faire triompher, une stratégie fonctionne avec plusieurs niveaux, de l'objectif idéal à l'objectif minimal. Ces options variées offrent alors autant de possibilités de repli et de rebond, si notre interlocuteur ne partage pas notre argumentaire, et surtout, s'il y décèle une faille.
» Créer un climat propice à l'échange
Une phase d'observation et d'écoute est indispensable au succès d'un face à face. Il est en effet possible, d'identifier en quelques secondes, au travers de certains gestes, d'une posture ou d'une intonation de voix, les principaux traits de comportement de son interlocuteur. Un besoin de relationnel fort, une volonté d'agir rapidement ou une distance passive
Autant de caractéristiques qui peuvent être facilement perçues dès le premier contact et qui orienteront de façon décisive la stratégie. Attention toutefois à ne pas tirer de conclusions trop rapides entre le comportement et les attentes réelles de son interlocuteur. Par exemple, une personne peu bavarde, peut aussi bien avoir besoin d'être rassurée ou au contraire, être un stratège attentiste.
"Nous pouvons influencer les autres avec nos arguments mais nous ne pouvons les convaincre qu'avec les leurs"
C'est sur cette base qu'il faudra aussi adapter son propre comportement pour établir un climat d'échange. Pour cela, déterminer ses atouts en situation de négociation et identifier ses limites pour les compenser sont des démarches indispensables. Mais il ne s'agit pas d'un autodiagnostic professionnel, "on ne détermine pas ses forces et faiblesses dans l'absolu mais seulement en fonction de la situation de négociation qui se dessine."
» Faire parler l'autre
Une fois des traits comportementaux cernés, on peut alors identifier les processus de décision de son interlocuteur. "Certains aiment le self, tandis que d'autres préfèrent le restaurant, De même, certains aiment les décisions rapides et d'autres préfèrent prendre leur temps." Par ailleurs, un 'oui' n'a pas la même signification pour tout le monde. Définitif et engageant chez certains, il est suggestif chez d'autres et indique seulement une tendance positive.
Les modalités de la prise de décision sont également facteur du pouvoir décisionnaire de l'interlocuteur. Un jeu habile de questions fermées peut alors permettre d'en savoir plus en poussant l'autre dans ses retranchements. Toutefois, une réponse négative ne doit pas être rédhibitoire et le fait que l'interlocuteur ne soit pas décisionnaire ne doit pas amener à le dénigrer trop vite. "Le pouvoir d'influence de certains peut être considérable, tandis que beaucoup de décisionnaires ne prennent jamais de décision seuls" .
» Adapter son rythme et son discours à son interlocuteur
Il est décisif de s'approprier les mots comme l'ensemble du processus mental de son interlocuteur pour pénétrer rapidement dans sa logique. "Nous pouvons influencer les autres avec nos arguments mais nous ne pouvons les convaincre qu'avec les leurs". Et pour ce faire, tout doit s'ajuster, de la taille des phrases, à la longueur des discours, aussi bien que le choix des mots que nous employons et que nous pouvons emprunter à notre interlocuteur. L'équilibre doit cependant être maintenu entre adaptation et imitation. Il faut rester soi-même, et ne pas faire du théâtre, car en essayant de jouer un "rôle", c'est sur nous-mêmes et non sur l'autre que nous nous centrons.
En phase de négociation, il est également judicieux de ne pas s'obstiner sur les points de résistance majeurs, même s'ils sont cruciaux. Il est préférable d'y revenir plus tard, là encore en laissant la parole à l'autre. Par exemple, en initiant une réflexion susceptible de bousculer ses certitudes ou en posant une question qui l'amènera lui-même à réévaluer, ensuite, ses positions. C'est aussi en laissant la parole à l'autre, que l'on se donne l'opportunité de saisir les signaux clés et les "feux verts" qu'il peut émettre à tout moment.