Des chercheurs ont mis au jour un nouveau moyen développé par certaines bactéries pour survivre en présence d'antibiotiques. Ces résultats pourraient aider à concevoir de nouvelles thérapies antibactériennes.
Ce mécanisme de survie s'avère fondamentalement différent des autres stratégies connues chez les bactéries. Sa compréhension pourrait servir à concevoir des médicaments ciblant des souches bactériennes particulièrement difficiles à traiter comme celles responsables de la tuberculose (TB) résistantes aux antibiotiques, un problème de santé publique de plus en plus urgent. L'étude s'articule autour de Mycobacterium smegmatis, bactérie cousine de celle causant la TB, et de sa réponse à l'isoniazide, un antituberculeux.
Ce travail effectué par Yuichi Wakamoto de l'Université de Tokyo et Neeraj Dhar de l'École polytechnique fédérale de Lausanne avec leurs collègues paraît dans le Science du 4 janvier. La revue est publiée par l'AAAS, la société internationale de science à but non lucratif.
Dès 1944, des chercheurs avaient observé que les antibiotiques sont moins efficaces contre des populations cellulaires qui ne prolifèrent pas. Plus récemment, des expériences ont montré que certaines bactéries survivent à l'exposition à des antibiotiques grâce à des "cellules persistantes" ne se divisant pas présentes dans la population avant même que les antibiotiques ne soient ajoutés.
"Ce concept était largement admis pour expliquer la persistance des bactéries alors qu'il était très peu étayé du point vue expérimental." précise Wakamoto.
Wakamoto et ses collègues rapportent maintenant que les bactéries persistantes ne se divisant pas ne sont pas responsables de la survie de M. smegmatis exposé à l'isoniazide. En fait, cette survie n'est pas du tout liée au taux de croissance. C'est plutôt une production intermittente d'une enzyme bactérienne appelée KatG qui permet à certaines bactéries de survivre au traitement antibiotique.
"Notre papier dans Science fournit une preuve expérimentale claire que d'autres mécanismes de persistance existent" indique Dhar. "Ce que nous avons trouvé impose de réexaminer les mécanismes de persistance au niveau d'une seule cellule chez d'autres bactéries, dont Mycobacterium tuberculosis qui cause la tuberculose chez l'homme."
Les chercheurs ont étudié des bactéries M. smegmatis isolées en culture microfluidique avec l'isoniazide. Ce médicament est un "pro-médicament" qui ne devient actif que lorsqu'il interagit, une fois administré, avec certaines composantes de la cellule. Dans le cas de M. smegmatis, c'est la KatG qui active l'isoniazide.
Le sort de chaque bactérie n'était pas corrélé à son taux de croissance mais plutôt à sa production de Kat G. Chaque cellule produisait la KatG par paquets aléatoires, et c'est cette production qui déterminait ses chances de survie.
Les chercheurs en ont conclu que chez certaines bactéries, il y avait des moments, entre chaque épisode de production de KatG, où la conversion enzymatique du pro-médicament n'était pas possible. Ainsi, des bactéries évitent probablement d'être tuées par l'antibiotique activé.
"Pour le moment, nous ne pouvons que spéculer sur le fait que de tels mécanismes existent chez d'autres espèces bactériennes, même si nous pensons que c'est probable." ajoute Wakamoto.
AAAS & EurekAlert,techno-science.net