Mercredi, les chercheurs du CERN ont présenté leurs résultats stupéfiants et attestant de la découverte d'un nouveau boson. Une nouvelle qui a créé un vent de joie parmi la communauté scientifique.
Moins de 24 heures après l’officialisation de la découverte d'un nouveau boson par les équipes CMS et ATLAS du CERN, la communauté scientifique s'emballe. A sa tête, Peter Higgs, papa du boson portant son nom : "Je suis très surpris qu'on ait trouvé ça de mon vivant. Quand j'ai fait mon modèle, il y a plus de quarante ans, on ne savait pas du tout où chercher".
Interviewé par le quotidien suisse Le Matin, Aurelio Bay, du Laboratoire de Physique des Hautes Energies à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) explique : "Comme on ne connaissait pas sa masse, on ne savait pas où le chercher. En plus, nous n'étions pas sûrs de nous ! Sa découverte est donc une victoire. Elle représente un véritable jalon dans l'histoire de la physique, un pivot autour duquel les chercheurs vont pouvoir angler leurs travaux. C'est un peu comme lorsque Newton a établi la loi universelle de la gravitation au 17e siècle".
Il ajoute également : "C'est aussi incroyable sur le plan humain, car plus de 10.000 chercheurs du monde entier ont ainsi montré qu'ils pouvaient unir leurs efforts pour parvenir à ce résultat". Alice Bean, professeur de physique et d'astronomie à l'Université du Kansas qui a participé à l'élaboration de CMS, lui donne d'ailleurs raison : "L'un des aspects les plus grisants [a été] de travailler ensemble dans un grand groupe pour étudier des processus complexes".
La "particule de Dieu" ou quelque chose d'encore plus grand ?
Anne-Isabelle Etienvre est physicienne au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et travaille sur ATLAS. Pour elle, il s'agit dans tous les cas "d'une avancée majeure pour la recherche fondamentale" qui pourrait marquer la fin d'un chapitre : "Si c’est [le] boson [de Higgs], c’est la fin d’une histoire. La découverte valide [...] une fois pour toute le Modèle standard. Si, en revanche, c’est encore une autre particule, cela nous permet d’explorer des pistes nouvelles, de faire des recherches pendant des années".
Yves Sirois, l'un des porte-parole de l'expérience CMS, renchérit pour sa part : "C'est peut-être le boson de Higgs qu'on a trouvé, aujourd'hui on a peut-être compris comment la matière a pu s'organiser au début de l'univers, un millième de milliardième de seconde après le Big Bang [ou] c'est peut-être quelque chose de beaucoup plus grand qui ouvre la fenêtre d'une nouvelle théorie au-delà du Modèle standard".
Aurelio Bay estime quant-à-lui que "La découverte pourrait ouvrir la voie à une nouvelle physique, notamment en ce qui concerne la matière noire ou l'énergie noire. Car la matière visible ne représente que 4% de l'énergie de tout l'univers".
"Il y a une conséquence philosophique à cette découverte"
Pour Etienne Klein, directeur de recherche au CEA, interrogé par FRANCE 24 : "Il y a une conséquence philosophique [à cette découverte]". D'ailleurs, la détection du boson intéresse aussi les grands philosophes contemporains. En effet, l'astrophysicien et philosophe Hubert Reeves estime que même si cette découverte "n'aura pas un impact sur toute la pensée humaine comme celle de Galilée", "c'est un grand moment pour la physique". Elle "ne modifiera vraisemblablement pas notre compréhension du monde" mais "elle confirme celle que nous avons déjà dans le cadre du comportement de la matière et c'est déjà beaucoup".
Pour le philosophe, historien des sciences et théologien Jacques Arnould, la découverte du boson "ajoute encore à deux sentiments sans cesse confortés et renouvelés au sein du grand public : l'étonnement et le vertige". Il considère que, face à ce "vertige", on peut "s'interroger avec fierté et responsabilité sur les raisons de notre singularité d'être humain, pensant, qui a une conscience de lui-même et cherche à savoir". Jacques Arnould conclut également : "Nous ne sommes ni plus près, ni plus loin de Dieu qu'hier. Nous sommes dans une époque extraordinaire en terme de construction d'un savoir collectif sur ce qui nous constitue, dans lequel pour une fois on ne se fait pas la guerre".
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