Jusqu'à présent, seules les carottes glaciaires permettaient de mesurer les teneurs passées en gaz carbonique (ou dioxyde de carbone) de l'atmosphère terrestre. Emprisonné dans les bulles coincées dans la glace, l'air peut être analysé. Mais cette mémoire ne permet de remonter, pour l'instant, qu'à 850.000 ans. Une équipe américaine a trouvé un moyen de faire mieux.
Ces chercheurs ont étudié des minuscules organismes planctoniques unicellulaires, les globigérines, appartenant à la vaste famille des foraminifères, grand succès de l'évolution des cinq cents derniers millions d'années. Ces petits êtres sont entourés d'une fine carapace calcaire, que l'on appelle test (et non pas coquille). L'équipe a montré que le rapport de deux isotopes du bore (11B et 12B) dans ce test dépend de l'acidité de l'eau de mer au moment de sa fabrication. Or, cette acidité est directement liée à la quantité de gaz carbonique dissous dans l'eau et donc de sa teneur atmosphérique. On sait d'ailleurs que le pH de l'eau de mer influe directement sur la fabrication des coquilles et des tests calcaires par les animaux marins, l'actuelle acidification, due à l'augmentation de la concentration en gaz carbonique, a semble-t-il déjà aminci les tests de foraminifères.
En datant des tests de Globigerinoides sacculifer dans des sédiments prélevés au fond de l'Atlantique nord, à un millier de kilomètres des côtes africaines, Bärbel Hönisch, une géochimiste du Lamont-Doherty Earth Observatory (LDEO) et ses collègues, ont pu retracer l'évolution de la teneur atmosphérique en CO2 depuis 2,1 millions d'années, ce qui n'avait jamais été réalisé avec autant de précision.