Un prix du pétrole en baisse, une facture d’importation des médicaments
annoncée à 1,2 milliard de dollars, alors que le potentiel de
production locale sommeille : tous les ingrédients étaient réunis pour
que le gouvernement algérien donne plus de contenu à son nouveau «
patriotisme économique ».
Deux mesures ont été prises le 21 octobre 2008 : d’une part, les
médicaments produits localement seront interdits d’importations, et
d’autre part, les opérateurs et les laboratoires qui veulent distribuer
en Algérie seront tenus d’investir dans la production. Les producteurs
locaux applaudissent, non sans cacher leur amertume sur le temps perdu et la part belle faite aux importateurs et aux grands laboratoires pendant ces dernières années. Car les mesures annoncées par le gouvernement n’ont rien de nouveau, elles étaient au cœur d’un contrat entre l’Etat et les producteurs nationaux rompu unilatéralement par le gouvernement algérien.
La part de la production locale ne couvrirait plus que 18% des besoins locaux. Alors que les entreprises algériennes ne tournent plus qu’à 30% de leurs capacités.
Cet abandon s’est fait en mars2005 à partir de Genève. Le ministre du Commerce de l’époque, Noureddine Boukrouh, annonçait au secrétariat de l’OMC une série d’engagements de l’Algérie dont la suppression de l’obligation d’investir dans la production pour les importateurs. C’était au cours du 8e round des négociations et Nourreddine Boukrouh affirmait, de manière inconsidérée, que le 9e round serait « le bon et le dernier ».
Trois ans plus tard, l’accession à l’OMC est plus problématique que
jamais. Le choix d’ouvrir le marché allait être prolongé et même
élargi, au point d’abandonner la règle qui obligeait le médicament à
disposer d’au moins encore deux tiers de sa durée de vie.
Angélisme
Les moins critiques à l’époque y voyaient un « angélisme »
de mauvais alois, un cadeau exorbitant offert aux laboratoires
étrangers et à leurs intermédiaires qui ne se justifiait pas tant que
l’accession à l’OMC n’était pas effective. Trois ans plus tard, cet
angélisme peut se chiffrer. Les importations de médicaments ont explosé à 1,4 milliard de dollars en 2007. Pour les 9 premiers mois de 2008, la facture est déjà de 1,284 milliard de dollars, contre 1,022 milliard de dollars pour la même période en 2007, soit une hausse de 25,64%. Les dépenses de la Caisse de sécurité sociale enflent, passant de 23 milliards de dinars en 2001 à 70 milliards en 2007. Pour le seul premier semestre de 2008, elles ont été de 39,55 milliards de dinars.
La part de la production locale, littéralement étranglée par les
importations, a connu une décroissance de plus de 20%. Elle ne
couvrirait plus que 18% des besoins locaux. Les entreprises algériennes ne tournent plus qu’à 30% de leurs capacités, affirme-t-on du côté des professionnels. Bref, on est passé d’une politique de substitution des
importations au « tout importation ».
Des arbitrages à faire
Contrairement à la très libérale Tunisie, où la Pharmacie centrale dispose du monopole de l’importation et sert d’instrument de protection de la production locale, en Algérie, on ne connaît pas avec précision quels médicaments devraient être protégés. Le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a demandé à la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) la liste des produits à interdire à l’importation. Le Syndicat algérien de l’industrie pharmaceutique (SAIP), qui regroupe en son sein une dizaine de producteurs nationaux, les estime entre 600 et 700. Pour l’UNOP (l’Union nationale des opérateurs en pharmacie), si les mesures du gouvernement ne sont pas contrariées, le temps perdu durant la décennie pourrait se rattraper et la production locale serait en mesure de couvrir 65% des besoins nationaux en médicaments à l’horizon 2012. Il reste quand même de sérieux réglages à faire.
Des pénuries « calculées ou justifiées » à prévoir
Une réunion récente entre les représentants de l’UNOP et le Ministère de la santé a montré que ce dernier n’est pas à jour et fait preuve d’une sérieuse méconnaissance des capacités de production locale. En outre, il faudra faire des arbitrages entre des producteurs qui assurent toute la chaîne de production et ce qu’on appelle les conditionneurs. « Des pénuries calculées ou justifiées pourraient cependant intervenir sur le marché »,
a prévenu le Dr Abdelkrim Djebbar, président du laboratoire Lad Pharma, qui souhaite que les médicaments produits en Algérie soient inclus dans la liste des médicaments remboursables par la sécurité sociale. C’est la meilleure manière d’encourager un investisseur et d’inciter les étrangers à venir produire en Algérie, a-t-il estimé. Selon le journal El Watan, des exportateurs étrangers ont déjà pris des contacts avec des producteurs locaux pour leur proposer de fabriquer leurs produits
localement…
18-11-2008 Par Sana Harb, lesafriques