Alors que les conséquences négatives sur la santé du tabagisme et du bronzage sont connus et indéniables, les publicitaires des industries du tabac et des salons de bronzage aimeraient que les consommateurs aient un point de vue différent. Une étude comparant les tactiques utilisées dans la publicité sur les produits de bronzage et le tabac a découvert plusieurs ressemblances dans la façon de vendre ces produits pourtant nocifs à la santé.
Dans son compte-rendu intitulé "Comparison of advertising strategies between the indoor tanning and tobacco industries ", et publié dans le Journal Américain de l’Académie de Dermatologie, le dermatologue David Jones a présenté les résultats d’une étude d’observation qui conclut que ces deux industries utilisent des stratégies similaires afin de contrecarrer les problèmes de santé que posent leurs produits, et influencer positivement la perception du consommateur sur le tabagisme et le bronzage dans le but de stimuler la demande.
"Le monde du bronzage artificiel a rapporté, aux Etats-Unis, 2,7 milliards de dollars en 2007, et ceci repose sur la publicité vendant une idée erronée de ’sécurité’ ou du caractère ’sain’ du bronzage au public" dit le Dr Jones. "Même s’il est bien documenté que les radiations UV naturelles du soleil et des appareils de bronzage intérieurs constituent des causes connues de cancers de la peau, le public n’est pas toujours conscient des risques sérieux pour la santé associés au bronzage artificiel en cabine, et les pratiques publicitaires de l’industrie du bronzage capitalisent sur ce fait."
En analysant 2000 publicités de quatre grandes bases de données d’images de la pub sur le tabac, le Dr Jones et ses collègues ont identifié quatre stratégies clés qui ont été utilisées pour vendre leurs produits.
Ces stratégies comprennent :
.l’atténuation les problèmes de santé, l’appel à un sens d’acceptation sociale,
.l’accentuation des effets psychotropiques et la focalisation sur des segments de population spécifiques.
Le Dr Jones ajoute que la publicité sur le tabac était sélectionnée comme cadre de référence parce qu’elle est bien documentée, et réalisée pour promouvoir un produit connu pour ses effets nocifs à la santé.
Ensuite, une collection d’environ 350 publicités contemporaines sur le bronzage en cabine a été compilée à partir de différentes sources, comme des magazines professionnels, des salons ou des sites web, des matériaux promotionnels en magasins, et évaluée sur la base de quatre stratégies clés préalablement identifiées dans les publicités sur le tabac.
En même temps que l’incidence du cancer du poumon, des maladies respiratoires et cardiovasculaires et autres risques à la santé ont continué à augmenter avec les années, l’industrie du tabac a ajusté sa stratégie publicitaire pour atténuer ces risques sanitaires connus. Les vendeurs de cigarettes ont recruté des médecins comme alliés pour vendre leurs produits, pour rassurer le public en disant que leurs marques avaient des avantages compétitifs pour la santé, et faisaient l’éloge auprès des fumeurs des cigarettes étiquetées comme cigarettes "sûres".
L’auteur et ses collègues ont trouvé que le fait d’utiliser des médecins comme alliés date des années 1930 et 1940, et que ces derniers, habillés d’une blouse blanche, apparaissaient dans les publicités sur les cigarettes, utilisant l’image du docteur pour rassurer les consommateurs sur la sécurité des cigarettes. De la même façon, les publicités des sociétés de bronzage en cabine ont fait appel aux médecins, et de citer des études médicales pour essayer de persuader le public que le bronzage en cabine est, d’une certaine manière, "sûr" ou "plus sûr" que le bronzage extérieur par le soleil.
"L’idée derrière ces pubs est que si les médecins font quelque-chose, alors c’est que quelque-part cela doit être bien" dit le Dr Jones. "Cependant, ces publicités oublient les résultats d’une récente enquête indiquant que 100% des médecins dermatologues, et 84% des médecins non dermatologues, décourageraient le bronzage par UV pour des buts non médicaux, même chez des patients en bonne santé."
En faisant la promotion d’avantages mensongers pour la santé quand la prise de conscience des risques de la cigarette commençait à croitre dans les années 1950 et 1960, l’industrie du tabac a répondu avec ce qu’ils nommaient les cigarettes "filtrées" comme étant "sûres". Le Dr Jones note que le but de ces pubs était de convaincre les consommateurs que les cigarettes filtrées apportaient une protection contre les effets nocifs du tabagisme, mais sans admettre que fumer était nocif à la santé.
Pour écarter les problèmes sur les dangers de l’exposition aux UV, l’industrie du bronzage en cabine comptait sur les campagnes de "réduction de la nocivité" identiques à celles utilisées par l’industrie du tabac. Par exemple, dans les années 1980 certains annonceurs commençaient à faire la promotion de lits de bronzage comme étant "sans UVB" ou "constitués à 99% d’UVA", quand la recherche confirmait que les rayons UVB étaient cancérigènes. Bien entendu, ces publicités oubliaient de mentionner que les rayons UVA étaient aussi dangereux et pouvaient causer des cancers de la peau.
Une autre tactique populaire des campagnes pour réduire le danger du bronzage est de promouvoir les bénéfices à la santé de la production de la vitamine D liée à l’exposition aux UV. Dans ce type de publicités, les consommateurs sont poussés à croire que l’exposition naturelle et artificielle aux UV est bénéfique en produisant de la vitamine D, dont la recherche suggère que cela pourrait protéger contre les maladies de cœur et autres cancers.
"Ce que ces pubs omettent volontairement de dire est que l’exposition aux UV augmente vos risques de cancer de la peau, et qu’il y a d’autres moyens plus sûrs d’obtenir cette importante vitamine" explique Jones. "Une quantité adaptée de vitamine D peut être obtenue à partir de suppléments de vitamine D, sans les dangers associés à l’exposition aux UV."
Une autre tactique utilisée par les fabricants de cigarettes, est d’essayer de faire croire aux consommateurs qu’ils sont "intelligents" en fumant plutôt une certaine marque de cigarettes qu’une autre. Le Dr Jones et sa collègue ont découvert que le commerce du bronzage pratique des appels identiques à "l’intelligence" des consommateurs, en faisant la promotion de la "prévention des coups de soleil" grâce aux appareils de bronzage, et avec l'aide de professionnels entrainés qui enseigneraient aux consommateurs comment "bronzer sans danger", sans bruler.
"Cette tactique oublie de mentionner que le fait de bronzer pour éviter les coups de soleil ne fournit qu’une protection d’indice 3, tout en causant simultanément des dégâts à la peau pouvant conduire à des cancers" dit le Dr Jones. "En outre, des études ont aussi montré que les employés et/ou gérants des salons de bronzage ne respectent pas l’intensité des appareils de bronzage, ni ne limitent le temps d’exposition comme recommandé."
Tandis que le Dr Jones et son équipe concluent qu’il faudrait davantage d’information au consommateur sur les dangers du bronzage, ils font également remarquer que l’absence de régulation légale laisse les coudées franches aux exploiteurs des salons de bronzage, notamment pour ce qui est de faire avaler des couleuvres au public via des publicités mensongères ou erronées.
Le président de l’Association Américaine de Dermatologie rappelle que "les faits scientifiques sont clairs : l’exposition aux rayonnements UV, que ce soit à partir du soleil ou de sources artificielles comme dans les cabines des salons de bronzage, augmentent les risques de développer un cancer de la peau, tel que mélanomes, la forme la plus mortelle des cancers de la peau."
Lun 5 Avr - 0:23