LE POINT VERT DE LA PHARMACIE ET DE LA VIE
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
LE POINT VERT DE LA PHARMACIE ET DE LA VIE

La Pharmacie et la vie dans toutes leurs facettes :formation, exercice, science ,marketing,management, industrie,labo, sagesse, conseils,, culture, loisirs.liens
 
AccueilPortailDernières imagesRechercherS'enregistrerConnexion
Le Deal du moment : -39%
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON ...
Voir le deal
1190 €

 

 Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard?

Aller en bas 
AuteurMessage
jules

jules


Nombre de messages : 336
Date d'inscription : 27/08/2009
Localisation : orléans

Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard? Empty
MessageSujet: Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard?   Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard? Icon_minitimeMar 15 Sep - 19:30

1.Vous avez dit hasard ?

Le hasard fait partie de ces thèmes insolites qui tombent un peu à cheval entre plusieurs disciplines. La philosophie en parle, la physique quantique s’en sert, toutes les sciences sociales y sont confrontées.
On sait que les probabilités s’occupent du hasard. Il y est en de bonnes mains, pense-t-on. On ignore souvent, en revanche, que d’autres domaines mathématiques, comme l’informatique théorique (avec la théorie de la complexité), les systèmes dynamiques (avec le chaos), la théorie des graphes, et même la logique, sont très directement concernés.
En psychologie, la manière dont nous percevons le hasard est un sujet d’étude récurrent, et pas seulement pour son intérêt théorique. On soupçonne depuis longtemps que nos intuitions trompeuses vis-à-vis du hasard pourraient bien expliquer une grande partie de nos étonnements injustifiés, de nos extases devant « d’extraordinaires coïncidences » qui n’en sont pas. Les « Dieu que le monde est petit ! », les « Jamais deux sans trois » et nos idées douteuses sur la chance (qui font que certaines personnes se ruinent aux jeux de hasard) fondent à vue d’œil quand on les passe sous la loupe mathématique.

Continuant ce chemin, des psychologues qui s’appuient sur la théorie mathématique pour comprendre nos erreurs, aboutirent à la conclusion que les illusions du hasard pourraient bien jouer un rôle prépondérant dans certaines croyances irrationnelles. Astrologie et psychogénéalogie, numérologie ou médecines parallèles sont autant de domaines qui utilisent des arguments ajustés aux failles de notre perception de l’aléatoire…
C’est ainsi que le hasard, dont les mathématiques dévoilent une partie du fonctionnement, et que la psychologie étudie pour comprendre nos croyances irrationnelles, se trouve perdu quelque part entre ces deux disciplines si différentes et pourtant complémentaire


2.Genèse du hasard

La salle était remplie de 45 étudiants mous de psychologie, peu intéressés par la statistique et ses arcanes. Ma mission, si je l’acceptais, était de leur faire comprendre, ce jour-là, comment on peut déterminer si des réponses proviennent ou non d’un hasard équiprobable. Honte sur moi : je n’avais pas préparé assez d’exercices, et me voilà pris au dépourvu, avec une demi-heure à combler et rien à leur mettre sous la dent, qu’ils ont souvent dure. Il fallait improviser.
Je demandais à chaque étudiant d’inscrire sur un bout de papier une voyelle A, E, I, O, U ou Y) au hasard, en faisant en sorte de choisir la lettre comme si on l’avait tirée par une méthode aléatoire équiprobable (c’est-à-dire sans privilégier une lettre par rapport à une autre). On relève les réponses, qui nous permettent de dessiner une forme de graphique qu’on retrouvera systématiquement dans les réplications.


Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard? RTEmagicC_gau_graph1_01.jpg

« Pourcentage de personnes donnant chaque voyelle « au hasard »

Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard? RTEmagicC_gau_vo.jpg
On peut comprendre la forme de la distribution des voyelles en imaginant une marche aléatoire le long d’un chemin à sens unique reliant les voyelles dans l’ordre. À chaque étape, on s’arrête avec une probabilité de 33%, sauf si l’on est arrivé à « Y », auquel cas la marche est terminée

La conclusion qui découle de ces données, c’est que nos efforts pour être aléatoires ne sont que partiellement couronnés de succès.
Et voilà comment un accident de planification m’amena à m’intéresser à la manière dont nous percevons le hasard… et à faire le lien avec ce que nous en disent les mathématiques.
Lorsqu’on parle de hasard et de mathématiques, tout le monde pense aussitôt aux probabilités. Pourtant, d’autres domaines des mathématiques ont leur mot à dire, et souvent de manière bien plus fondamentale, que les probabilités. Si les probabilités sont d’une utilité indiscutable pour mesurer le hasard, elles n’en fournissent pas (ou indirectement) de définition.

3.Hasard et chaos
Que le hasard existe vraiment dans le monde ou pas, nous ne pouvons pas le savoir. Il y a une raison profonde à cela : un tas de phénomènes nous paraissent aléatoires, mais on finit par y découvrir des lois. Si ces lois sont complexes et font intervenir de nombreuses variables, comme en météorologie, il est très difficile d’en prédire les effets à long terme.

Pour la météorologie, on comprend bien que tous les possibles désagréments s’accumulent pour prendre les vacanciers au dépourvu :
•Les lois ne sont pas parfaitement connues.
•De nombreuses variables interviennent (composition de l’air, températures, pression, effets du soleil, effets de l’homme, des animaux…).
•Comme si ça ne suffisait pas, il est impossible de connaître précisément ces variables. Par exemple, on peut mesurer la température en certains points de l’atmosphère, mais pas partout évidemment. Sans compter que la précision de la mesure n’est jamais parfaite.
Tout cela contribue à faire qu’il est matériellement impossible de prédire le temps qu’il fera dans une semaine. Que faudrait-il donc faire pour permettre de magnifiques prévisions et justifier le salaire des présentateurs de la météo télévisée ? Connaître parfaitement les lois ? Se ramener à très peu de variables ? Les mesurer de manière plus précise ?
Imaginons toutes ces merveilles réunies. Nous connaissons parfaitement les lois qui gèrent l’évolution d’une variable, nous connaissons avec une grande précision les valeurs de cette variable au départ, et nous voulons prévoir l’évolution de la variable. Cela semble assez simple… Mais ne l’est pas.
C’est ce que prouve, en mathématiques, la théorie des systèmes dynamiques, dont le chaos est un objet d’étude.

Prenons l’exemple d’une fonction donnée par f(x) = 4x(1-x), et supposons qu’une grandeur x évolue en suivant la fonction f. Par exemple, à un certain instant, la grandeur est x0. Une seconde après, elle vaut f(x0)=x1, et ainsi de suite. Cela nous permet de définir une suite x0,…,xn,… dont nous pouvons facilement calculer les valeurs exactes si l’on connaît x0. Pour autant, nos ennuis ne sont pas tout à fait terminés, parce ce que dans le monde réel, la « mesure » qui donne x0 n’est jamais parfaite, et il faut admettre qu’on fera sans doute une petite erreur…

Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard? RTEmagicC_gau_graph2.jpg

La suite récurrente définie par f(x) = 4x(1-x), pour deux valeurs très proches de x0 (0,0411 en marron, et 0,0412 en bleu). Bien qu’on ne distingue pas les courbes, très proches, jusqu’à la huitième étape, elles s’écartent ensuite rapidement, illustrant l’effet dramatique d’une petite erreur initiale.

Or, la prise en compte cette cette petite incertitude débouche sur trois propriétés déroutantes de notre « système dynamique » (c’est-à-dire la suite des xn) :
1.La moindre erreur augmente jusqu’à devenir ingérable : c’est la dépendance aux conditions initiales.
2.L’allure même de la suite (croissante, décroissante, etc.) dépend de la moindre petite erreur : c’est la densité des points périodiques.
3.L’augmentation de l’erreur est telle que, dès que n est un peu grand, nous ne pouvons plus rien dire sur la valeur de xn : c’est la propriété de mélange.


Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard? RTEmagicC_gau_cafe_01.jpg
La manière dont le lait se mélange au café est chaotique. ©️ NG

Ces trois propriétés définissent ce qu’on appelle un système chaotique. Ce que montrent les systèmes chaotiques c’est qu’une incertitude minime peut irrémédiablement conduire à une totale impossibilité des prévisions. Cela a souvent été interprété comme un exemple de hasard, dans le sens où le comportement du système est imprévisible, donc (c’est une définition du hasard), aléatoire.
Mais si l’on est plus rigoureux, on comprend que ce « hasard » n’existe que parce qu’il y a déjà, au départ, un petit hasard, une petite incertitude sur la condition initiale. Un système chaotique n’est donc pas une machine à fabriquer du hasard, mais une machine à amplifier du hasard.
Des chercheurs en sciences cognitives tentent depuis des décennies (sans grand succès pratique pour l’instant) de formaliser l’idée que le cerveau humain est chaotique, ce qui rendrait l’homme en partie imprévisible pour les observateurs… et pourrait nous donner l’illusion du libre arbitre.


4.Hasard et probabilité

La théorie du chaos explique comment un monde parfaitement déterministe régi par des lois simples peut sembler aléatoire. Mais elle n’explique pas ce qu’est fondamentalement le hasard, et ne prouve pas qu’il existe (ou qu’il n’existe pas). Le mystère reste donc entier, et aucune définition du hasard n’en ressort. On peut alors être tenté de se tourner vers les probabilités, le domaine mathématique qui paraît le plus à même de nous renseigner. On pourrait chercher dans des livres d’introduction aux probabilités une définition du hasard, mais nous serions terriblement déçus… car la probabilité élémentaire, théorie de l’aléatoire, ne définit pas son objet, ou de manière totalement insatisfaisante. En probabilité, on considère ce qu’on appelle des « événements aléatoires ». Par exemple, si on lance un dé, l’événement « la face 4 sort » en est un. Hélas, les événements « une face sort », qui se produit nécessairement, en est un aussi… si bien que la notion d’événement aléatoire se résume au fond à ce que nous appellerions spontanément « événement »… mais pas forcément aléatoire

Quel peut être alors l’intérêt des probabilités dans la quête du hasard ?
Ceci : si les probabilités ne fournissent pas d’emblée une bonne définition du hasard, elles forment en revanche une formidable théorie de la mesure du hasard. Grâce à elles, nous connaissons la loi des grands nombres : si je lance sans jamais m’arrêter une pièce non truquée, la proportion de « pile » tend à coup (presque) sûr vers 50%. Bien que je n’aie aucun moyen de deviner la conclusion d’un jet particulier, je peux affirmer un résultat limite.
De nombreux autres résultats probabilistes amènent au constat suivant : si le hasard est, par définition, l’imprévisible, un hasard répété contient pourtant des régularités. Il existe des lois du hasard, de la certitude dans l’incertain. Et ces lois, qui peuvent au final déboucher sur des définitions formelles de l’aléatoire, permettent aussi de tester des tirages pseudo-aléatoires.

Un exemple très étudié en psychologie est celui de l’alternance. Supposons que je lance une pièce de manière répétée. À chaque tirage, je peux trouver la même issue qu’au tirage précédent (on parle alors de répétition), ou au contraire un résultat différent, auquel cas on parle d’alternance.
Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard? RTEmagicC_gau_alte.jpg

Illustration de ce qu’est une alternance. Dans la série de pastilles fuchsia et vertes, on compte 5 répétitions et 6 alternances

La théorie nous dit que la probabilité d’alternance est 50%. La loi des grands nombres affirme alors que sur un grand nombre de tirages, il devrait donc y avoir environ 50% d’alternances et 50% de répétitions.
Or, si c’est bien ce que donne le « vrai » hasard, ce n’est pas du tout ce qu’on obtient lorsqu’on demande à des gens d’inventer une suite de pile ou face.
Nous avons tous tendance, en effet, à exagérer les alternances. Typiquement, on observe 60% d’alternance dans une série controuvée. Et lorsqu’on demande aux gens de choisir, parmi plusieurs suites, celle qui leur semble la plus « aléatoire », ils sélectionnent presque toujours des suites trop alternées. Ainsi, FPPFPFFPF nous semble plus aléatoire que FFPPPPFFF. La première présente 6 alternances sur 8 (75%) : elle est trop alternée. La seconde est obtenue en remplaçant chaque alternance par une répétition et réciproquement : elle est donc trop peu alternée. La première nous semble nettement plus conforme au hasard, à cause de notre idée saugrenue que le hasard « alterne » beaucoup les options, ce qui constitue le fond du biais d’alternance bien connu des psychologues.


5.Hasard et complexité
Les probabilités nous donnent des outils pour contrôler des séries, et déterminer, le cas échéant, si elles peuvent être conformes au hasard. De manière très pragmatique, on peut alors annoncer que le hasard, pour une suite infinie, c’est ce qui se conforme bien aux lois du hasard. Dans cette optique, une suite est aléatoire si elle vérifie la loi des grands nombres et un paquet d’autres règles imposées au monde par le hasard.
Le gros inconvénient de cette définition en herbe, c’est qu’il faut choisir, à un certain moment, quelles règles conserver, et quelles règles oublier. Un raisonnement tout simple nous permettra de comprendre ce qui se passe :
Ne conservons, disons, une seule règle, la loi des grands nombres. Disons donc qu’une suite est aléatoire pourvu qu’elle se plie à la loi des grands nombres. 0101010101…. qui alterne les 0 et les 1, doit alors être considérée comme aléatoire… ce qui est une idée aussi sotte que grenue.


Il n’a pas échappé aux esprits des cognitivistes que cette définition du hasard pourrait bien se transférer à la psychologie, et donner une définition de ce que nous autres appelons le hasard. Avec une différence cependant : bien qu’il existe un programme court calculant les décimales de pi, par exemple, cette suite nous paraîtra, à nous autres homo sapiens, aléatoire. C’est qu’il faut, lorsqu’on transporte la définition de l’informatique à la psychologie, remplacer le « programme court sur ordinateur » en un programme correspondant à l’esprit humain. Néanmoins, et avec ces aménagements de rigueur, il reste que la définition des suites aléatoires comme suites complexes est un point de convergence d’intérêts mathématiques et psychologiques.
Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard? RTEmagicC_gau_mau.jpg
Ces tableaux du peintre Mauricio Escobar sont difficiles à décrire de manière précise en quelques mots. De ce point de vue, ils sont « complexes », et donc aléatoires. D’un autre côté, ils admettent une définition approximative très courte (fleurs sur fond d’or). De ce point de vue plus humain, ils sont simples, et donc non aléatoires. Le passage entre la complexité théorique et la complexité perçue n’est pas évidente. ©️ NG.

6.Hasard et logique

La théorie de la complexité pourrait clore le débat sur le hasard… sauf qu’elle ne s’applique qu’aux suites infinies, et laisse en suspens la question de définir un événement aléatoire qui ne se produit qu’une fois. Si je dis que j’ai rencontré Paul par hasard, je veux probablement dire (c’est une des définitions intuitives courantes) que j’aurais pu ne pas le rencontrer.
Un événement aléatoire serait donc, selon cette conception un peu vague, un événement fortuit, c’est-à-dire possible, mais non nécessaire. Paradoxalement, c’est du côté de la logique mathématique que l’on trouvera le moyen d’une définition formelle de la contingence, et donc d’un événement aléatoire non répété.


J’aurais pu ne pas être là » peut être pris, en première approximation, comme synonyme de « je suis là par hasard ». La logique classique n’est pourtant d’aucun secours. En logique classique, tout ce qui est vrai est possible et nécessaire, tout ce qui est faux est impossible. Il ne reste guère de place pour le contingent. Mais la logique mathématique ne s’arrête pas à la logique classique : des penseurs ont en effet fabriqué des modèles plus souples que l’on appelle judicieusement des logiques « non-classiques ». Parmi ces théories, la logique des mondes possibles, inventée par Saül Kripke il y a quelques décennies, nous intéresse particulièrement.
Une manière parmi d’autres de concevoir l’idée générale de la logique des mondes possibles est d’imaginer des mondes parallèles, qui sont les mondes possibles (pour une brève introduction plus mathématique, voir mon livre "Vous avez dit hasard ? Entre mathématiques et psychologie", Belin, 2009 dernière page de ce dossier).

Par exemple, dans tel monde possible l’Allemagne a gagné la seconde guerre mondiale. Dans tel autre, Barak Obama a perdu les élections. À chaque instant, on peut imaginer une infinité de mondes possibles. Dans le film The One, avec Jet Li, un individu passe d’un monde parallèle à l’autre grâce à une machine : c’est là une illustration des mondes possibles de Kripke.
Lorsque le temps passe, nous voguons d’un monde possible à l’autre. Ce passage suit certaines règles : depuis chaque monde, certains sont accessibles et d’autres non. Par exemple, à partir d’un monde où Barak Obama n’est jamais né, nous ne pouvons pas atteindre notre monde actuel. Les écologistes les plus pessimistes pensent par exemple qu’aucun monde possible viable en 2300 n’est accessible depuis celui où nous évoluons aujourd’hui.
Compte tenu de ces contraintes, certains événements sont accessibles, d’autres non. Si l’on suppose qu’à partir de notre monde actuel il est possible d’atteindre un monde où Internet disparaît et un autre où Internet perdure en 2030, alors nous pourrons dire que l’existence éventuelle d’Internet en 2030 serait fortuite. Autrement dit encore, il est possible qu’Internet existe encore, mais pas nécessaire. Du coup, nous pouvons qualifier l’existence d’Internet en 2030 d’événement aléatoire.

Plaçons-nous maintenant en 2030, et supposons qu’Internet existe toujours. À ce moment, l’existence d’Internet en 2030 sera devenue nécessaire, si bien qu’un événement aléatoire à un moment cesse d’être aléatoire lorsqu’il s’est produit. C’est une caractéristique du hasard que les philosophes, comme le rappelle Marcel Conche, ont depuis longtemps noté : le hasard s’applique toujours à l’avenir, jamais au passé.
La logique des mondes possibles fournit ainsi une définition formelle du hasard, qui malheureusement s’applique mal à la réalité, puisqu’on ne connaît pas les mondes possibles… néanmoins, elle prouve que nous pouvons non seulement formaliser l’idée de suite aléatoire, avec la complexité, mais aussi celle d’événement aléatoire, en partant d’une conception naturelle du hasard.


7.Nos intuitions du hasard

Si la question du hasard intéresse certains psychologues, c’est en grande partie lié au fait que notre esprit se comporte bizarrement dans les domaines de l’incertain. De même que nous tombons dans les panneaux des illusions d’optique, nous succombons aussi à ceux du hasard. Le domaine des probabilités subjectives en psychologie étudie notre manière de voir le hasard, et les lois que nous lui prêtons à tort ou non.
Les résultats sont sans appel : nous avons vis-à-vis du hasard des idées farfelues à bien des égards. Parmi ces erreurs constantes, certaines ont été étudiées plus particulièrement.


Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard? RTEmagicC_gau_play.jpg

Le biais du parieur pousse les gens à rejouer, et explique en partie les comportements de jeu addictifs. ©️ NG.

Le biais du parieur. Du fait du biais d’alternance, nous avons tendance à alterner un peu trop souvent les « pile » et « face » quand nous voulons être aléatoires. Et nous attendons aussi du hasard qu’il se conduise de cette manière peu orthodoxe. Mais là ne s’arrête pas notre perception faussée des alternances. Typiquement, nous attendons un « pile » après un « face » dans 60% des cas (au lieu de 50%), mais après une série de 3 « pile », c’est dans 80% des cas que nous imaginons « face » : plus la série de tirages identiques est longue, plus nous surestimons la probabilité d’alternance (qui, en réalité, reste égale à elle-même, donc à 50%). C’est pourquoi un joueur qui a perdu de nombreuses fois pense que sa probabilité de gain est plus élevée qu’au début, ce qui est faux et le conduit déraisonnablement à continuer le jeu. Cette conception fausse du hasard est ce qu’on nomme, pour cette raison, le biais du parieur.

L’illusion de contrôle. Une bizarrerie psychologique qui influence aussi notre perception du hasard est l’illusion de contrôle : nous avons bien souvent l’impression que les événements qui se produisent autour de nous sont, au moins partiellement, sous notre contrôle. Il n’est pas rare de voir des joueurs de dés lancer les dés rageusement pour obtenir un 6, et délicatement s’ils veulent un 1. Certain secouent les dés en les invoquant, les yeux fermés, comme si ces incantations pouvaient influencer les événements qui suivent. De manière diffuse souvent, nous pensons que nous pouvons, en partie, contrôler le hasard.
Les corrélations illusoires. Lorsque nous observons des événements qui ne sont en aucun cas liés, comme par exemple le mois de naissance et le caractère d’une personne, nous croyons magiquement percevoir des régularités et des corrélations (liens). C’est ainsi que bien des personnes « remarquent » qu’ils dorment mal les jours de pleine lune, pendant que d’autres constatent le contraire. Nous ne pouvons en ces matières, hélas, pas nous fier à nos impressions.
Ces liens que nous croyons percevoir est qui n’existent pas sont des corrélations illusoires.


8.Conclusion : croyances irrationnelles

Ces différentes illusions et bien d’autres qui nous trompent régulièrement forment, ensemble, l’une des explications des croyances irrationnelles. Notre vision faussée du monde, concernant le hasard, fait que nous considérons des événements non seulement banals mais même de probabilité très élevée comme des choses extraordinaires. À l’inverse, des événements extraordinaires nous laissent de marbre.Un exemple excessivement classique est le paradoxe des anniversaires : si on tire au hasard 25 dates, la probabilité que deux d’entre elles coïncident est de 50%. Avec 50 dates, on atteint la probabilité phénoménale de 99,99%. Une psychanalyste assez peu au fait de ces tartes à la crème des probabilités, étudiant d’un œil parfaitement naïf les arbres généalogiques de ses patients, remarqua que des dates coïncidaient souvent. Comme les arbres en question portent plus d’une cinquantaine de dates la plupart du temps, cette coïncidence si surprenante est non seulement une trivialité probabiliste, mais son absence serait même extraordinaire. Pourtant, c’est sur cette illusion rabâchée que naquit la psychogénéalogie, une pseudoscience qui recrute encore de nombreux adeptes, aveuglés par leurs intuitions fausses du hasard. Ce n’est, bien entendu, qu’un exemple parmi d’autres.
À l’instar des illusions d’optique, ces messages trompeurs de notre cerveau ne sont pas supprimés par la connaissance qu’on a des probabilités… mais un minimum de connaissance scientifique permet de se méfier de l’évidence, et d’éviter ainsi d’être dupe d’ignorants et de manipulateurs.

Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard? 8e8859be0b

Nicolas Gauvrit
Revenir en haut Aller en bas
 
Entre les mathématiques et la philosophie:Qui a dit hasard?
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Entre 0 et 20 comme note,ça discute entre deux prix nobel
» La Beauté des Mathématiques !!!!!!!
» La Beauté des Mathématiques !!!!!!!
» La philosophie du carème pendant le ramadan!
» Philosophie à vivre:anges de la paix

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
LE POINT VERT DE LA PHARMACIE ET DE LA VIE :: le point vert pour tout savoir-
Sauter vers: